terça-feira, 4 de novembro de 2008

Le Prologue de Kébélé


Moi, Kébélé, j'ai tissé certain travail avec six fils. Ces six fils m'on longtemps tenu au coeur. Si bien que, par un jeu de mots, je pourrais tout aussi bien dire: mes six rejetons, mes six FILS.
Je vous parlerai d'eux, afin de vous dévoiler, par le dessous de la tapisserie, ces mystérieux rapports qui nouent et dénouent, d'une vie à l'autre, certains groupes humains. Ceux-là forment, au regard sagace du ciel, des familles karmiques en apprentissage du meilleur amour.
Le chemin vers la lumière est long et sombre. Ce qui fulgure dans une existence peut aveugler pour l'existence suivante. L'erreur ici feite se retrouve empreinte là-bas. Ce qui n'a pu s'achever en une fois se continue en plusieurs. Les séparés se retrouvent. Les unis sont séparés. L'obscur, peu à peu, laisse transparaître le jour. L'impatient s'apaise. Le nonchalant se hâte un peu plus à chaque pas. Les vies qui s'enchaînent forment les étapes du voyage; et le sommeil de la mort répare les forces de l'âme pour l'étape suivante.
Oui, ils étaient six entre mes mains, six fils de différentes valeurs, de différentes torsions, six fils prédestinés qui allaient se travailler eux-mêmes en travaillant les autres.
Je vous donnerai comme un repère qui ne changera pas, la traduction de leur nom secret. Donc, dans l'archétype, au début, il y avait: Celui-qui-toujours-aime, Celui-qui-toujours-est-opaque, Celui-qui-toujours-est-un-ange, Celui-qui-toujours-âbime, et les Deux-qui-toujours-ne-forment-qu'un-seul.
Je les ai tissés et ils ont vécu, âprement, douloureusement, avec des chutes et des triomphes, avec des crimes et des miracles, sans la foi et avec elle, contre la lumière et puis, pour elle. Ils ont vécu. Ils vivent...
Celui-qui-toujours-aime cherche Dieu plus directement que les autres. C'est son unique préoccupation. Il n'a de cesse de l'avoir trouvé. Il le trouve pour le perdre, comme on perd la mémoire. Il se souvient de l'avoir trouvé et son tourment d'amour ne lui laisse nul répit. Il poursuit sa divine proie. Il la traque, comme un amant sa bien-aimée. Il la saisit enfin, la possède... et ne tient en ses bras qu'une absence. En toutes choses, il cherche «son divin». A travers tous les êtres, il le cherche, et de toutes les façons possibles.
Tout lui paraît divinement pénétré. Du fond de la nuit des êtres et des choses, une flamme lui fait signe. Il s'y précipite, oublieux des expériences passées. Et, à peine conquiert-il l'être ou l'object porteur de cette flamme, celle-ci s'éteint.
Il se retrouve, une fois encore, déçu par une enveloppe vide, une lampe sans signification.
Mais la lumière brille ailleurs et déjà l'y appelle! Il se hâte vers cela, toujours incapable de ciscriminer le contenant du contenu. Il convoite le parfum, mais il ne sait que prendre le vase et non point respirer la myrrhe. Il n'a point de repos. L'ardent désir de réintégration, de communion à la flamme, lui fait follement rechercher l'image la plus belle, la plus haute vibration, l'extase la plus aigue.
D'où mille erreurs, mille chutes, illusoires paradis, illusoires enfers, mille gestes passionnés et rapaces qui l'enchaînent, qui font lourdes ses dettes.
Il a en lui le sens de Dieu. C'est un fou d'amour.
Ainsi restera-t-il, à travers ses incarnations, un solitaire dans le monde de la manifestation, malgré les apparences contraires qui lui font nouer d'innombrables unions et n'être jamais seul. Tout en lui, en bien comme en mal, ceci comme cela étant de valeur toute relative, sera plus accusé que chez les autres membres de sa famille karmique.
Toujours, il souffrira de sa secrète solitude. La multitude de ses amours ne peuplera jamais le désert de son aspir. Tantôt possédé par ses charnelles passions, tantôt les possédant, il ne se sentira jamais vraiment rejoint. Une lucide muraille de cristal l'isolera toujours de la contamination de l'éros humain. Quoi qu'il fasse, il lui sera toujours impossible de briser cette invisible défense. Ce qui lui conservera, au centre de l'être, une inviolable pureté, une pureté imposée.
Il demeura longtemps un coeur révolté; cela jusqu'à ce qu'il comprenne que cet Aimé mystérieux fait partie de son mal de solitude, en est la secrète quintessence et que ce vide, cette vacuité ressentie, cette Absence, en vérité était la Présence Même, silencieuse, infinie, informulée, auprès de laquelle toute présence humaine effective devient ce qu'elle est réellement, c'est-à-dire: une absence.
Enfin, il voit que, dans la Présence Même, il se perdait d'amour, dès l'origine, mais sans en avoir conscience.
Tout son travail sur lui-même consistera donc á maîtriser cette conscience, à s'éveiller de ses fausses extases. Et ce n'est que lorsqu'il se trouvera harassé, tout combat cessant, lorsqu'il acceptera enfin cette solitude qu'il s'apercevra de la véritable signification de celle-ci.
Cellui-qui-toujours-aime croisera fréquemment son fil avec Celui-qui-toujours-est-un-ange.
Ils se polariseront parce que le premier cherche Dieu tandis que le second possède, à son insu, le pouvoir de le montrer. En effet, on peut dire de lui qu'il «désigne Dieu», qu'il le fait voir; et, bien souvent, par le simple fait d'être là, Dieu est alors plus proche, sans que l'être angélique s'en aperçoive car c'est pour lui un état de nature, sans intellectualité. Comme la rose dégage son parfum, Celui-qui-toujours-est-un-ange fait humer le divin à travers sa personne.
Au contraire de mes cinq fils, tous bien humains, celui-ci est émané d'une vague de vie parallèle. Il est bien du Plan des Anges. La multiple unité de sa nature ardente, inspirée, originale, était encline à un vif intérêt, à une compassion pour les choses de la terre. A sa demande, la Loi jugea bon de le mêler aux autres fils afin que, libre esprit de lumière, il fît evoluer la matière en la pénétrant.
Passer par l'humain est, tout á la fois, pour un ange, un pathétique sacrifice et une glorieuse aventure.
Il abandonne une partie de sa grâce. Son intelligence, de permanente contemplation, en devant se plier au temps, sera sujette aux éclipses. Au lieu d'être dans la plénitude, il lui faudra devenir, découvrir la croissance pénible, les lentes acquisitions fragmentaires.
Cependant, par la suite, il va servir plus activement á l'évolution générale car il peut alors accéder à cette sphère d'élection seulement réservée à l'Homme.
Celui-qui-toujours-est-un-ange connaissait la Loi. Il avait choisi librement, en toute clarté, en total désir. mais en se revêtant d'une densité plus lourde que celle de sa première nature, un voile s'étendit sur lui, il oublia une partie de son savoir transcendant. La faveur qui était sienne lui parut comme un exil. sa composition subtile souffrit d'être intégrée à une pésante enveloppe. Et il n'aima pas les constituantes de son corps humain, alors qu'il n'était descendu que pour celui-ci.
Toute son oeuvre consistera donc, de vie en vie, à accepter d'évoluer cette matière, à l'affiner, á lui faire entrevoir un possible dégagement, une transmutation, une pérennité.
Durant de longues incarnations, il ne ressentira que rancoeur et révolte contre la nature épaissie de ses différents corps, et répulsion envers les autres corps qui lui apparaîtront plus lourds, plus denses, plus frustes et privés de tous pouvoirs.
Mais dans cet être, que de grâces et de dons, néanmoins! Inspiré, voyant, il saura traduire les rythmes de la nature, les musicales harmonies de l'univers. Il aura la science des plantes; les animaux l'approcheront, surtout les oiseaux, appelés par une rémanence de son ancien état aérien. Il se fera aimer sans le chercher. ce sera un être de charme, insaisissable, inoubliable, préoccupé seulement par la nostalgie d'un bonheur incompréhensible aux hommes.
Celui-qui-toujours-est-opaque apparaît comme son complément, son inévitable contrainte, parce qu'il représente très exactement cette terrestre matière à travailler, à son point le plus bas.
Tous deux seront donc constamment mis en présence, unis ou affrontés par le destin.
Celui-qui-toujours-est-opaque est un être sans transparence qui ne conçoit pas de se laisser pénétrer para la lumière qui le dérange.
Solide, compact, attaché aux choses de la terre, il aime la courte vie du corps, les plaisirs qui animent la chair. L'immédiat saisissable est à lui. Les biens tangibles lui appartiennent, sonnent agréablement à ses oreilles, brillent à ses yeux, sont doux sous ses doigts, délectables à sa langue gourmande, enivrants à son flair.
Il fait son domaine des demeures fortifiées et luxueuses. Il se recouvre d'étoffes colorées, bruissantes, brodées. Ses bijoux sont lourds, ses armes massives et efficaces. Chasseur pour alimenter ses cuisines, il ne tue pas cependant volontiers son ennemi en guerre car il respecte la vie humaine.
Incapable d'entrevoir au-delà des apparences, la mort lui est une fin désespérante et, comme il n'est pas mauvais de coeur, il l'inflige rarement.
Il ne se pose pas de questions.
En lui, aucune ouverture vers le mystère, aucune recherche spirituelle. C'est comme s'il manquait de l'organe nécessaire. Sa soif et sa faim ne passent jamais sur le plan de l'âme. Quand il a soif, il boit; quand il a faim, il mange. Amoureux, il fait l'amour, apaise sa chair. Il ne connaît que des appétits aisés à satisfaire. Il reproduit euphoriquement ses petits, heureux d'en faire beaucoup à son image et de son odeur. Il s'entend à gouverner sa maison ou son peuple.
Les différents aspects de Celui-qui-toujours-est-un-ange ne manqueront pas de le fasciner, en vertu du charme des opposés.
Il ira toujours vers lui, le recherchera, voudra le retenir, le sentir, le goûter, le tâter, le faire dormir à son côté, le voir manger d'abondance comme lui-même; il s'éfforcera naivement, à la fois, de lui ressembler et de l'amener à sa propre ressemblance. Il voudra procréer à partir de lui. Il l'aimera vraiment et s'enivrera de sa présence.
Hélas, Celui-qui-toujours-est-un-ange se sent vampirisé par celui-qui-toujours-est-opaque!
Mais il viendra cependant à assumer ses responsabilités car, en essence, il est le Maître, l'autre est l'élève. Ce dernier ne peut évoluer que par son intermédiaire. Il faudra que l'un consente à professer, que l'autre consente à apprendre. L'élève qui, animalement, se raproche et désire avec sa chair ce que l'autre ne pourrait accorder que par l'âme, se trompe certes, mais, au fond, ne fait qu'obéir, avec ses gauches moyens, à un élan qui s'inscrit dans la ligne de la Loi. Il se laisse porter sans discussion vers son maître. Et c'est bien, même s'il met du temps à comprendre, même s'il est rétif, paresseux á penser, obtus etbuté, c'est bien quand même, parce qu'il ne s'écarte pas.
Mais le maître, par contre, fait mal en cherchant à esquiver la tâche primitivement acceptée. Et la dette karmique, augmentée d'une vie à l'autre, pèsera plus lourd pour le maître que pour l'élève...
Les-Deux-qui-toujours-ne-forment-qu'un-seul sont comme les deux parties d'une brillante étoile, éclatée et éteinte à l'issue de sa chute sur terre.
Ils sont plus que frères, plus que jumeaux, plus que prédestinés, mais étroitement identiques, de même composition; deux poles d'un seul corps qui ne connait d'existence réelle que sous l'action d'un courant d'amour animateur, jailli de l'union de ces deux pôles.
Cette terre est pour eux nuit et solitude. Ils s'y meuvent à tâtons, comme des aveugles d'un genre spécial qui ne pourraient rien voir ici-bas que leur propre reflet. La lumière qui désigne le monde ne peut luire pour eux que lors de la reconstituition de leur mystique lampe originelle. Tant qu'ils ne se sont pas trouvés, ils flottent au gré des courants d'un destin qui, leur semble-t-il, ne les concerne pas. Démunis de leur union, ils ne sont rien.
Chacun pris à part, ils paraissent toujours quelque peu absurdes par rapport à ce qui les entoure et dans quoi ils se refusent à plonger des racines.
Étrangers pleins d'étrangeté, ils ne cessent d'être une énigme, un déconcertant fragment, que dans le moment où ils sont ensemble. ils s'expliquent alors en se complétant.
Tant qu'ils ne se sont pas rencontrés, ils aspirent continûment l'un à l'autre, ils s'inventent sans se connaître.
Ils sont bien les deux parties d'une blessure qui n'est fermée que par leur noce. Nul sur terre ne peut remplacer l'un pour l'autre. Rien en vérité ne peut les nouer à d'autres quà eux mêmes.
Aussi, au cours des renaissances, séparés par le Temps qui les fait parfois naître avec de grands écarts d'âges, séparés par les différences de lieu ou de milieu, séparés par les barrières du sexe identique ou de l'inceste, déchirés, désunis, ils apprendront peu à peu à faire fleurir, à composer, sur des plans dégagés de la matière, l'Androgyne Spirituel dont ils étaient la double graine, eux deux que l'on nomme si justement: âmes-soeurs...
Il reste maintenant à parler de Celui-qui-toujours-abîme.
Celui-là est leur épreuve à tous, porteur en sa substance du don de créer la réaction nécessaire. Il doit s'en prendre à tous et à chacun. La Loi l'utilise comme un instrument plein de rigueur pour peser, mesurer et comparer.
Il représente la froide obscurité, la nuit des dangers, le marécage des sombres tentations, tout ce qui permet d'apprécier à sa valeur de miracle le retour du soleil, terrestre ou spirituel.
Em vérité, il met l'aube en valeur. Mais on ne s'aperçoit pas tout de suite du sens exact de son rôle, parce que le déssin de son évolution se trace surtout sous la tapisserie...
Celui-qui-toujours-abîme apporte á sa famille karmique la difficulté perfectionnante.
Tout ce qu'il touchera, il va le gauchir. Il est comme l'Étoile Absinthe: dans le miel mystique, il infusera l'amertume du doute. Rienn qu'à les parcourir, il rendra sinueuses les voies droites...
Il sera le permanent danger des autres, l'ennemi occulte, à cause duquel on ne dormira pas sur les lauriers. C'est en somme un élément de rigueur, qui fouette et active.
Toutes les incarnations distilleront autour d'elles la tentation, le fanatisme, l'obscurcissement. Il possède ce particularisme à un haut degré de puissance. Il aime déterminer. Sa volonté sans faille lui permet de mener à fond ses desseins. Inconscient des désordres et des drames qu'il suscite, tout à son Idée, tou à son Plan toujours, il calcule, suppute, échafaude; il travaille sans répit.
Il aime la puissance, la plus active: celle qui reste ignorée. Jamais il ne se présente de front. Pour attaquer, pour saisir, il contourne et s'enroule. Il agit de loin, dessous, mais constamment, en disposant d'une sorte de force magique dans l«action, tant est grand son vouloir.
Tous les moyens lui sont bons. Ses paroles l'imposent. Perfides, rusées, elles cheminent.
Sa suprême illusion est de se croire constructif, alors qu'il ne fait que dégrader.
Il ignore dédaigneusement la souffrance d'autrui, étant lui même dur au mal.
Il devra prendre conscience, perdre sa puissance, s'adoucir.
Il lui faudra du temps et encore du temps, plus que tout autre mais, lourdement chargé et le tout dernier à se libérer, il aura, en vérité, mystérieusement aidé tous les autres.
Chrystia Sylf
Livre d'Initiation de la Loge I